Découvrir le Pérou autrement avec Casas del Peru

Solène Cosnefroy, étudiante à l’ESCP et membre de l’association Rue des Enfants, a participé à la mission Casas del Peru pendant l’été 2013, un été fait de rencontres, de travail acharné pour préparer le lancement du label, mais avant tout un voyage dans l’esprit Casas del Peru. Elle raconte.
Le 22 août 2013 est une date importante pour le Pérou et l’ESCP : simplement, ni l’un ni l’autre ne le savent encore. C’est à cette date que le la bel de chambres d’hôtes Casas del Peru est officiellement présenté devant la presse péruvienne par son créateur Carlos Orihuela Gonzales et une équipe d’étudiants de l’ESCP, lançant officiellement le premier label de qualité en matière de chambres d’hôte au Pérou.
Cette conférence de presse, tenue à l’université La Salle et devant les principaux journalistes d’Arequipa, est l’aboutissement d’un travail de plus de deux ans. Tout a commencé en 2011 , lorsqu’un groupe de sept volontaires de l’association Rue des Enfants, l’association humanitaire à vocation internationale de l’école, a voulu s’investir dans un nouveau projet.
Ils ont alors rencontré Carlos Orihuela Gonzales, vingt-huit ans, détenteur d’un master en tourisme de l’université la Sorbonne, péruvien natif d’Arequipa. Après avoir soutenu son mémoire sur une étude de faisabilité sur un potentiel label de qualité de « casas rurales » au Pérou, Carlos était à la recherche de gens motivés pour l’appuyer dans son projet : spécialiste du monde du tourisme, ancien guide au Pérou, il avait le réseau nécessaire pour se lancer dans son entreprise, mais il avait également besoin d’un soutien durable.
Rapidement, la coopération entre Rue des Enfants et Carlos s’est mise en place. Si Rue des Enfants s’est investie dans ce projet, c’est que Casas del Peru n’est pas un simple label de chambres d’hôtes : le label a pour vocation de proposer une offre alternative au tourisme de masse au Pérou en impliquant ses habitants. En cela, le label possède de fortes valeurs sociales : l’intégration de l’habitant dans le tourisme, la promotion du local, la mise en avant de l’authenticité. Le leitmotiv est simple : on ne connaît pas vraiment un pays si l’on ne connaît pas ses habitants.
Vous pourrez admirer la grandeur du Machu Pichu, du lac Titicaca si vous voyagez par un organisme, mais vous ne pourrez qu’en entrevoir la surface du pays, ce que tout le monde connaît, sans avoir pu vraiment s’immerger dans la culture, échanger avec les habitants, « vivre » à la péruvienne. Or, n’est ce pas là le but d’un voyage ? Découvrir, s’isoler, échanger : Paul Morand a vu juste en disant « Voyager, c’est être infidèle. Soyez le sans remords. Oubliez vos amis avec des inconnus. »
J’ai eu la chance de faire partie de cette aventure, avec huit autres amis. Nous sommes partis cet été pendant sept semaines pour mener à bien la deuxième édition de la mission Sintakan chargée d’aider Carlos dans son projet. Armés de nos sacs à dos, nous sommes partis, le premier juillet dernier, direction Arequipa. Sur place, nous avions un objectif clair : lancer officiellement la marque. Cela voulait dire qu’il nous fallait valider ou non les maisons repérés, écrire le contenu du site internet (www.casasdelperu.com qui présente la marque et propose un service de réservation en ligne), rédiger le business plan et organiser une conférence de presse.
En sept semaines, nous avons donc fait plus de 120 heures de bus, visité 21 maisons, rencontré une quarantaine d’habitants, une dizaine d’élus locaux et de professionnels du tourisme et avalé plus de 3000 kilomètres.En 120 heures de bus, nous avons pu assister plus d’une fois à des situations pittoresques. Imaginez donc notre surprise lorsque lors de notre premier voyage, un Péruvien déménageait, au sens propre du terme, toute sa maison sur le toit de notre bus , déjà pas vraiment neuf ? Et encore, cela n’a rien d’étrange lorsque l’on repense à ce veau, quoique bien grand, que l’on a chargé dans la soute de notre bus, à côté de nos sacs à dos… Tout est possible dans ces bus péruviens : d’un veau chargé dans la soute, à la dégustation de viande de mouton fraichement découpée à quatre heures de l’après-midi, en passant par l’allaitement des femmes et le changement de couche des enfants sur le siège arrière.
Lors de nos nombreuses visites, environ trois maisons par destination, nous avons été confrontés à plusieurs problèmes. Nous voulons proposer une offre nouvelle donc, mais qui doit marcher. Cela implique beaucoup de choses : des habitants impliqués et professionnels. De l’authenticité, tout en garantissant un logement de qualité. Des revenus pour les habitants, tout en restant rentable.
A terme, le label proposera plusieurs circuits touristiques plus ou moins long : des maisons ont été repérées dans les villes principales, incontournables, comme Cuzco, Puno, Arequipa, Lima, etc mais aussi dans des endroits plus isolés, encore inconnus du grand public : Matalaque, Lampa, Cotahuasi… aux paysages et au patrimoine incroyables. Le touriste aura le choix entre effectuer une réservation dans une maison pour un séjour ponctuel ou bien faire un circuit alternant destinations touristiques et destinations rurales.
Si la définition de l’offre est un exercice facile, la mise en pratique du côté des habitants l’est beaucoup moins. Grâce à son réseau professionnel, notamment de l’université La Salle, un collaborateur précieux au projet, Carlos Orihuela Gonzales est parvenu à repérer une vingtaine de maisons dans le sud du Pérou. Leurs habitants sont des paysans, des élus officiels, des professeurs, qui pour la plupart ont vu leurs enfants partir à la ville et disposent dorénavant de chambres libres. Contactés par des relais du réseau de Carlos, ils se sont montrés motivés pour plusieurs raisons : le besoin d’avoir une ressource financière supplémentaire, l’envie de se reconvertir dans le secteur touristique, la curiosité de rencontrer des personnes venant d’autres horizons.
Nous les avons tous rencontrés en personne, pour s’assurer de leur motivation, évaluer leurs besoins et les former. La formation des habitants est un point crucial dans le projet. Comment saluer le visiteur, comment lui transmettre efficacement et rapidement les principales consignes, comment disposer une table de petit déjeuner, comment bien faire un lit, quelle décoration éviter…
Certaines de ces rencontres sont des souvenirs précieux pour mon équipe : la mère de Carlos, d’abord, Dina, qui tient la maison pilote en milieu urbain à Arequipa. Nous avons passé une semaine dans sa maison, au tout début. Attentionnée, gentille, elle nous accueilli dans les règles de l’art, malgré notre grand nombre. Milton et sa femme ensuite, qui nous ont hébergés parce que l’un d’entre nous était malade, alors que ce n’était pas prévu. Une dame de Matalaqué, village de 50 habitants aux paysages paradisiaques, qui nous a ouvert sa porte alors que l’on visitait les lieux, nous proposant des avocats, nous montrant sa maison, nous posant des questions, curieuse de savoir ce que de jeunes occidentaux pouvaient bien faire là. César, le pêcheur de Matalaqué, qui nous a appris à pêcher au filet, vider et faire cuire nos truites et qui nous a ensuite rejoint à la « ville », Arequipa, pour faire pour la première fois de sa vie du rafting. Marco, le chauffeur de taxi, qui écoutait « pour Elise », passionné de littérature et nous posant mille et une questions sur notre histoire. Notre famille d’accueil enfin, qui nous logeait gratuitement, trop heureuse de nous faire découvrir leur pays.
Le 22 août 2013 donc, nous avons lancé la marque Casas del Peru : 15 maisons sont prêtes à accueillir, le site web et le business plan sont rédigés. Les neuf autres maisons recevront une aide matérielle pour atteindre les critères de qualité du label (eau chaude, matelas orthopédiques) grâce à la nouvelle édition 2014 de la mission Sintakan.
Nous sommes partis le lendemain, notre photo dans le journal d’Arequipa, tristes d’abandonner Dina, Carlos, Milton, Marco, César, la dame aux avocats, notre famille… Qui vous attendent de pied ferme.
Solène Cosnefroy
Association Rue des Enfants ESCP

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